Lettre ouverte à Monsieur Harnois, Sous-Préfet de Château Gontier
Tout est pour le mieux …
dans le meilleur des mondes
tiré de « Candide » – Voltaire)
« Si on a réussi dans ce problème complexe, c’est grâce à un travail exemplaire entre tous les services de l’Etat » avez vous dit lors de la garden-party du 13 Juillet dernier à la sous-préfecture.
« S’ils ont réussi à étouffer ce problème complexe, c’est grâce à un travail exemplaire entre tous les services de l’état » pensons-nous au contraire. Malgré vos propos qui affirment qu’un grand nombre de dossiers sont réglés, dans la réalité aucune des 14 exploitations impactées n’a à ce jour repris normalement son activité d'avant la connaissance de la pollution.
-Vente directe sinistrée avec perte de clientèle.
-Transmissions d’exploitations compromises.
-Remplacement de l'élevage allaitant par des chevaux ( sur lesquels il n'y a aucune analyse) .
-Élevage toujours sous séquestre (impossibilité de vendre les animaux à leur juste valeur) .
-Conservation des animaux en stabulation pour espérer les décontaminer .
-Charges supplémentaires (fourrages,….) pour nourrir les bovins sous séquestre .
-Adaptation à la pollution (contraintes supplémentaires, changement de production).
D'après vous, APROCHIM aurait versé 720000 euros aux agriculteurs, toutefois « sans reconnaissance de responsabilité, afin de gérer la situation d’urgence à la fin de 2011, en relation étroite avec l’Administration ». Mr le sous-préfet, vous prétendez que « certains agriculteurs ont des demandes 10 à 15 fois supérieures aux évaluations des experts de l’État ». Les agriculteurs ont fait chiffrer leurs préjudices en question par des experts compétents en économie agricole : comptables (des centres de gestion), experts d’assurances. Les Experts de l’État avaient-ils la même indépendance ?
Il faut préciser que les experts mandatés par l’État en Mai/juin 2011 avaient pour mission d’estimer les préjudices agricoles en supposant que la pollution était déjà éradiquée et que les préjudices n’étaient que ceux déjà constatés. Or, en novembre 2011, l'entreprise était mise en demeure de réduire ses émissions de rejets ! Seuls les préjudices directs ont été partiellement chiffrés et de manière expéditive, de façon à clore le dossier rapidement, sans aucune concertation entre les parties.
En résumé, sur les 1 500 000 euros chiffrés en Juin 2011 par les experts mandatés par l’État, une
moitié seulement a été versée aujourd’hui… (720 000 euros selon vous, Monsieur le sous-préfet ), dont la moitié de cette somme répartie entre 4 éleveurs.
Pour les autres :
- 4 exploitations dont 2 sévèrement impactées n’ont perçu aucune indemnisation.
- 2 exploitations sont en justice dont seulement une a perçu une provision.
- 4 exploitations ont été indemnisées partiellement.
On ne peut que constater l’inégalité de traitement des dossiers au niveau des calculs d’indemnisation et de la fiscalité, avec pour exemple un exploitant intégralement indemnisé pour lequel des pertes importantes en vente directe ont été calculées (perte de revenu immédiate, augmentée de la perte de clientèle sur 3 ans), quand pour d’autres exploitations en vente directe, il n’a été chiffré qu’une demi année de pertes, voire rien. Les indemnisations se font à « la tête du client » et il n’y a aucune notion d’impartialité.
« Les teneurs dans les viandes ont baissé de manière importante » d’après l’article du Haut Anjou du 13 juillet dernier. Mais dans quelle exploitation pouvez-vous affirmer cela ? Ne s'agirait-il une ferme-témoin indemnisée et qui a remplacé son cheptel ?
Deux contre-exemples flagrants :
-3 bovins saisis dans un élevage à 1400m de l’usine (impropres à la consommation)
-Des taux toujours supérieurs à la norme dans un autre élevage placé sous séquestre depuis plus 18 mois (avec 200 bovins sous séquestre !). Ces deux exploitations révélatrices d’une pollution persistance n’ont surtout pas été choisies comme fermes-témoins !
Selon le communiqué de presse de la préfecture du 5 juillet 2012: « la désignation de deux fermes témoins permet désormais une surveillance continue du lait pour l’une et de la viande pour l’autre». En sachant que l’exploitation en production laitière s’adapte malgré elle et que l’autre a réintroduit un cheptel, c’est insuffisant pour de réelles investigations!
L’administration a refusé d’intégrer des fermes témoins supplémentaires qui sont d’ailleurs toujours sous séquestre ou sous contrôle et qui rendrait plus pertinent le plan de surveillance mis en place. De plus, dans le périmètre d’investigation et à sa limite, de nombreuses exploitations en viande bovine n’ont pas été contrôlées sur les veaux et les broutards. Alors que le risque de dépasser la norme sur la viande touche particulièrement ces catégories de bovins !
Les exploitations à « détruire » ont été choisies scrupuleusement: les ventes directes (afin d’éviter la contamination de la population locale) et les exploitants proches de la retraite.
Lorsque l’on ne veut rien trouver, on ne cherche pas… !
Lors de la CLIS du 5 juillet 2012, un exposé sur l’étude des milieux (sols, herbe, sédiments et eaux) a été présenté par le conseil en environnement de l’entreprise. L’Etat a mandaté une tierce-expertise par un autre cabinet afin « d’assurer une analyse critique » mais « elle n’est pas destinée à procéder à une réinterprétation des résultats ». En clair donnez votre avis, mais ne remettez pas en cause les résultats. Quant au volet agricole, il a été purement et simplement survolé ! « Balayée l’idée de la rémanence ». Si les PCB disparaissaient du jour au lendemain, ça se saurait. Ces molécules sont quasiment non biodégradables, non oxydables aux UV, …, elles sont classées parmi les POP (polluants organiques persistants). Alors pourquoi avoir euthanasié des troupeaux (plus de 400 bovins) et détruit des exploitations ?
Comment peut-on affirmer que l’environnement n’est pas impacté durablement ? La valeur réglementaire pour l’herbe est 1,25pg/g à 12% d’humidité. Le seuil de risque pris en compte par l’administration sur l’herbe est 0,5pg/g. Sur le terrain, la réalité est toute autre, les bovins se contaminent même en dessous de 0,5 pg ! Les normes environnementales ne sont pas appropriées afin de prévenir les risques sanitaires sur les élevages. Certaines productions sont définitivement condamnées.
Les services de l’État et les élus locaux ont depuis le début du dossier le seul souci de préserver l’emploi industriel et n’ont aucun scrupule à sacrifier tout un pan de l’économie locale (élevages, ventes directes,….). Et de par cette attitude ils ont contribué à diviser la population et à générer des tensions. L’association Terre et Vie d’Anjou n’a jamais eu pour objectif de nuire aux salariés de l’usine, bien au contraire, nous sommes bien conscients que ces derniers sont également des victimes, tout comme les riverains et les agriculteurs.
La pollution générée aujourd'hui ( selon le rapport officiel d’activités 2011 de la Préfecture de la Mayenne « ce site était en 2010 le plus gros émetteur français de PCB dans l'atmosphère ») a pour origine un incontestable laxisme des divers services de l’État qui dure depuis 20 ans… Ce qui explique pourquoi l’État a décidé d'emblée, d’être l’intermédiaire obligé pour transmettre les demandes d’indemnisations des agriculteurs victimes de la pollution, en décidant d’autorité de ne s’occuper que des « animaux de rente », ce qui sous-entend clairement que dans ce dossier la population, (les riverains en tête) sont quantité négligeable.
Nous vous prions de recevoir, Mr le Sous-Préfet, nos salutations les plus respectueuses, mais aussi l'assurance de notre vigilance sur tous les points de ce dossier épineux.