L’avenir d’Aprochim à Grez-en-Bouère devant la justice ARTICLE actu.fr 18/12/19
Aprochim a demandé au tribunal administratif de Nantes de suspendre l'arrêté du préfet de la Mayenne qui lui a interdit, de continuer à traiter des déchets pollués aux PCB.
Mardi 17 décembre 2019, Aprochim a demandé mardi au juge des référés du tribunal administratif de Nantes de suspendre en urgence l’arrêté du préfet de la Mayenne qui lui a interdit, le 25 novembre dernier, jusqu’à nouvel ordre, de continuer à traiter des déchets pollués aux polychlorobiphényles (PCB).
Cette nouvelle restriction préfectorale – qui revient à faire »baisser de moitié les volumes et le chiffre d’affaires » de la société, mais qui n’empêche pas le traitement de déchets non pollués – a été décrétée après que l’industriel de Grez-en-Bouère (Mayenne) n’ait pas respecté la « mise en demeure » de respecter les normes environnementales du 23 avril 2018.
Pour rappel, les rejets des cheminées du site ne sont désormais plus en cause, comme en 2011 ; il s’agit dorénavant de remédier aux « émissions diffuses » de PCB, par exemple lors de l’ouverture de portes ou d’opérations de manutention.
Or, sur les dix-sept stations de surveillance réparties à l’extérieur du site, huit ont constaté ces derniers mois des dépassements, selon les autorités. Il n’y en a vraiment que « deux » qui posent problème, estime pour sa part Aprochim.
L’industriel invoque en particulier un « phénomène d’accumulation » sur l’une d’elles, située sur « une friche » inutilisée « depuis la nuit des temps » : placée « sous les vents dominants », elle est « particulièrement sensible » à l’activité du site.
Pour éviter que l’herbe contaminée soit ingérée par des bovins, Aprochim a donc racheté la parcelle en début d’année.
Dix-neuf mois après son édiction, la mise en demeure [d’avril 2018, ndlr] n’avait plus lieu d’être : à deux reprises l’administration a prétendu vouloir prendre un arrêté de suspension, mais ne l’a pas fait », a plaidé son avocate.
« C’est aujourd’hui qu’elle le fait, alors que la situation ne cesse de s’améliorer ! On se demande quelle est la motivation réelle de cet arrêté. Moi j’ai bien ma petite idée… », a-t-elle ajouté, sous-entendant que cet arrêté visait à faire fermer le site.
L’avocate d’Aprochim – qui emploie trente-deux personnes dans la zone industrielle de la Promenade – a également relu le dernier communiqué de presse du préfet, qui mettait en avant « l’absence de risque sanitaire » pour les riverains.
Le représentant de la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dréal) des Pays de la Loire a dit à ce sujet « regretter » que le communiqué de presse « n’ait repris que les éléments visant à rassurer les populations ».
C’était le but du préfet, mais trois élevages dans le voisinage sont toujours sous séquestre », a-t-il rappelé.
« Plusieurs centaines » de bovins avaient ainsi dû être abattus au plus fort de la pollution. « Il est indéniable que la situation d’aujourd’hui n’a rien à voir avec celle de 2011, mais quand des dépassements de seuils arrivent tous les six mois, ils ne sont plus « exceptionnels »… C’est à Aprochim de s’adapter à l’environnement, et non l’inverse », a-t-il insisté.
Son collègue de la direction juridique du ministère de l’Ecologie a aussi jugé « un peu excessif » d’accuser les services de l’Etat de « détournement de pouvoir » dans cette affaire, c’est-à-dire d’utiliser cette suspension préfectorale pour in fine faire fermer l’usine de Grez-en-Bouère.
Il y a un intérêt public majeur à ne pas laisser cette pollution persister », a-t-il dit.
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« Reste que, si elle venait à perdurer, cette restriction engendrerait « 200.000 € de perte de chiffre d’affaires par mois », selon Aprochim, alors que ses comptes étaient « tout juste à l’équilibre » dans les semaines qui précédaient l’arrêté préfectoral.
Si ses deux principaux clients – Enedis et RTE – pourraient rester dans un premier temps, en vertu des « contrats pluriannuels » qui les lient, les autres pourraient être incités à aller voir son concurrent Tredi, basé à Saint-Vulbas (Ain).
Cette filiale du groupe Séché Environnement – dirigé par Joël Séché, originaire de Craon – se présente en effet comme « le seul site au monde capable à la fois de décontaminer les transformateurs PCB et [les] détruire par incinération ».
Didier Gauthier, président du groupe Chimirec et de la société Aprochim, avait fait le déplacement à l’audience : il a dit « regretter » que son entreprise soit « marquée au fer rouge ».
La situation n’a jamais été aussi bonne, et c’est au moment où on va toucher au but qu’on nous met un coup de poignard dans le dos », a-t-il déploré.
« Cette situation pourrait conduire la société au dépôt de bilan. Personne ne veut de décharge à côté de chez soi, mais tout le monde produit des déchets… Il faut bien que certains s’en occupent. »
La juge des référés, qui a mis sa décision en délibéré, devrait rendre son ordonnance « dans les meilleurs délais » et « en tout état de cause avant la fin de l’année civile », a-t-elle promis.
Cette audience de référé est survenue le même qu’une autre, cette fois-ci devant la cour administrative d’appel de Nantes : le ministère de l’Ecologie faisait appel d’un jugement qui avait annulé un autre arrêté préfectoral. Les services de l’Etat avaient en effet refusé en 2015 que l’industriel importe des déchets pollués en provenance d’Egypte.
Le rapporteur public, dans ce dossier, a préconisé mardi de confirmer le jugement du tribunal administratif de Nantes : le préfet de la Mayenne était tenu de citer des dispositions « précises » pour s’opposer à cette introduction de déchets.
Or « le ministre n’est pas capable en appel de citer les textes qui fondent sa décision », a fait observer le magistrat, dont les avis sont souvent suivis. Il a pointé les « contradictions » de l’administration dans ce dossier : elle juge le site « déjà trop pollué » pour accueillir les transformateurs égyptiens… mais « n’interdit pas la collecte sur place » des mêmes déchets.
En conclusion, il a donc préconisé de rejeter la requête de l’Etat et de le condamner à verser 1.500 € à Aprochim pour ses frais de justice. L’arrêt des juges d’appel devrait être connu sous trois à quatre semaines.
GF (PressPepper)